
Alexandre de Juniac le dit lui-même : il est franchement pénible. Tatillon. Qu'il soit en avion ou dans un aéroport, le patron d'Air France-KLM veut avoir l'œil sur tout. Les bornes d'enregistrement. L'inclinaison des sièges. Le papier dans les toilettes. Et gare à ce qui ne va pas.
"Regardez, cette photo : c'est le plateau-repas que j'ai eu sur Paris-Amsterdam, dit-il en sortant son iPhone. Vous voyez, ce poisson roulé, dans le coin ? Cela ne peut pas être bon ! Qui a pu avoir une idée pareille ?"
Le poisson roulé se retrouvera sans doute au menu de la prochaine"réunion produits" comme l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy en tient trois par mois. Une pour l'activité au sol, une pour les vols, la dernière pour les sites Internet et les applications mobiles.
"Je m'inspire de Steve Jobs", l'ex-patron d'Apple, connu pour son redoutable perfectionnisme, a-t-il raconté vendredi 26 juillet à quelques journalistes, en marge de la présentation des comptes semestriels. Parfois, les tests ont même lieu en direct. "Vous me dites que le centre d'appels marche bien ? Parfait, je l'appelle !" Et l'on juge sur pièce...
Les réunions sont aussi alimentées par les voyages du PDG sur des lignes concurrentes. "Lors de mon dernier vol sur Emirates, j'ai pris 15 pages de notes !" Autant d'idées susceptibles d'aider Air France à se hisser parmi les trois meilleures compagnies au monde en termes de qualité. Un objectif fixé pour 2016.
Détrôner Emirates, Qatar Airways et Singapore Airlines relève toutefois du défi. Aujourd'hui, la compagnie française ne figure même pas parmi les 10 premières... Après avoir traqué le moindre détail chez Air France, "je vais faire la même chose chez KLM", promet M. de Juniac, devenu PDG de l'ensemble du groupe le 1er juillet.
RECONQUÊTE
L'enjeu dépasse le simple plateau-repas. Améliorer la qualité fait partie des axes clés du plan "Transform 2015" lancé pour sortir Air France-KLM du rouge. Le groupe veut en particulier reconquérir la clientèle d'affaires. Elle ne représente que 20 % des passagers, mais 40% du chiffre d'affaires des vols long-courriers...
Pour le reste, le plan repose largement sur des mesures d'économies. Combinées à la baisse du kérosène, elles ont permis de ramener les pertes à 793 millions d'euros au premier semestre, contre 1,3 milliard un an plus tôt.
Mais le redressement s'avère plus lent que prévu. Surtout pour les vols court et moyen-courriers, pour lesquels la restructuration va être amplifiée.
Prochain comité d'entreprise, le 31 juillet. "Le retournement devient tangible", assure le PDG, qui croit au succès de son plan. Mais sur son portable, cette photo-là paraît encore un peu brumeuse.