Il ne suffit pas d’une subvention pour permettre à une entreprise de recruter si son carnet de commande ne le permet pas, il ne suffit pas de créer un binôme avec un jeune et un senior pour qu’ils se transmettent leurs connaissances.
Il ne suffit pas non plus de demander à un salarié de transmettre ses connaissances pour qu’il ou elle y parvienne. L’art de la transmission est encore plus délicat lorsqu’il s’agit de transmettre ses connaissances à un collègue d'une autre génération.
Malgré des efforts budgétaires sans précédents, le gouvernement vient de confirmer que le financement des contrats de génération restait l’une des priorités de l’année à venir. De fait, le contrat de génération apporte trois innovations objectives par rapport aux dispositifs précédents : il vise une appréhension commune des problématiques des jeunes et des seniors, il encourage financièrement les petites entreprises à embaucher et enfin, il incite les entreprises à organiser la transmission des connaissances entre générations. De même qu’il ne suffit pas d’une subvention pour permettre à une entreprise de recruter si son carnet de commande ne le permet pas, il ne suffit pas de créer un binôme avec un jeune embauché et un senior pour qu’ils se transmettent leurs connaissances. Chacun sait qu’il ne suffit pas de demander à un subordonné de transmettre ses connaissances pour qu’il ou elle y parvienne.
Il est d’autant plus délicat lorsqu’il s’agit de transmettre ses connaissances à une personne d’une autre génération qui peut avoir des préférences et des modes d’apprentissage très différents. Comprendre la génération de la personne qui recevra la connaissance Dans le processus de transmission intergénérationnelle des connaissances, il importe de connaître le contexte générationnel de celui ou de celle qui va bénéficier des connaissances. Lorsqu’on est de l’ère « AG » (After Google) et que l’on appartient à la génération GAFA (Google, Amazon, Facebook), avec l’idée que toute information peut être trouvée instantanément sans avoir à la collecter ni la stocker scrupuleusement, on n’a pas les mêmes modes d’apprentissage que ses aînés. Connaître la nouvelle génération est impératif pour les anciens qui doivent transmettre. Adapter leur pédagogie constitue un autre pré-requis.
Face à l’immense tâche qui consiste à transmettre ce qu’on a appris, la hiérarchisation s’impose. Même si les racines carrées ont pu nous faire beaucoup souffrir à l’école, elles ne sont pas forcément indispensables à notre successeur demain. L’analyse des compétences pertinentes dans l’entreprise aujourd’hui et demain doit permettre de sélectionner et de prioriser celles qui feront l’objet du plan de transmission. L’humilité permettra de reconnaître la connaissance et les compétences nouvelles que l’entreprise devra acquérir demain –que les seniors ne détiennent pas- et celles qui sont devenues ou deviendront rapidement obsolètes. Enfin, le plan de transmission proposera de commencer par les connaissances dont le candidat récepteur avouera avoir le plus besoin. Pour un processus de transmission efficace, commencer par le besoin d’apprentissage exprimé.
« N’oublie pas que tu n’as plus que six mois pour transmettre ton savoir-faire avant de nous quitter ». Bien souvent les seniors se sentent démunis face à de telles injonctions. Une chose est de savoir ce qu’on a appris, autre chose est de savoir le transmettre. On peut être champion de golf et piètre professeur de golf. Il en va de même pour les jeunes qui arrivent dans l’entreprise avec des savoirs que bien des anciens ignorent. Ce n’est pas parce qu’ils peuvent être plus à l’aise sur les réseaux sociaux que ces jeunes pourront expliquer leur intérêt pour le travail à des anciens interrogatifs voire sceptiques.
Le diagnostic prescrit dans le dispositif Contrat de Génération (1) ne doit pas être perçu comme une exigence administrative supplémentaire. Il peut d’ailleurs être fait en une demi journée grâce à l’outil développé par l’Observatoire du Management InterGénérationnel pour le Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et qui sera bientôt accessible gratuitement en ligne sur le site du contrat de génération. Outre l’analyse détaillée de la pyramide des âges par métiers et par fonctions, le diagnostic permet de repérer les compétences les plus critiques que l’entreprise risque de perdre avec le départ programmé de ses Baby-Boomers (2). Au-delà de son aspect statistique, le diagnostic permet de s’interroger sur les menaces et les opportunités, les freins et les leviers liés à la nouvelle donne démographique dans l’entreprise. Il ne suffit pas d’avoir repéré que la moitié des techniciens détenteurs des savoirs clés partiront à la retraite dans les cinq ans pour garantir que les jeunes d’aujourd’hui, et leur ami ou conjoint, voudront venir travailler dans une localité reculée de l’entreprise. Ce qui était possible hier ne le sera plus forcément demain. Certaines idées reçues peuvent être revisitées.
Parmi le lourd héritage d’idées reçues qui nous a été transmis, trois nous paraissent indispensables à tuer pour créer les conditions d’une transmission efficace des connaissances entre générations :
(1) http://www.contrat-generation.gouv.fr
(2) « Le management intergénérationnel » Les Echos Etudes Eurostaf Novembre 2011.
(3) « Contrat de génération, n’oubliez pas la formation » www.lentreprise.com
Extrait du Journal du Net